En quelques semaines deux documentaires assez semblables sont sortis en France: « Women are heroes » de JR un projet photographique de portraits de femmes dans divers pays, et « Waste Land » de Lucy Walker, sur un vaste projet artistique de Vic Muniz dans une énorme décharge au Brésil.
Le premier, sorti en janvier 2011, fait partie intégrante d’un projet de JR, jeune artiste français connu pour ses photographies géantes affichées dans la rue. « Women are heroes » est un vaste portrait de la femme en ce début de 21ème siècle. Au Cambogdge, en Inde, au Brésil et dans plusieurs pays africains comme le Kenya, il rencontre des femmes généreuses et fortes qui se battent pour survivre, faire vivre leurs familles et leur entourage, améliorer leurs conditions de vie, pour exister.
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Le second, « Waste Land », suit l’artiste Vic Muniz au coeur de Jardim Granacho, énorme décharge située en banlieue de Rio de Janeiro, dans laquelle de nombreux trieurs vivent de la collecte de matières recyclables au milieu des ordures. Vic Muniz commence par prendre des photos, aller à la rencontre des trieurs et de leur milieu de vie, puis, dans son atelier de Sao Paulo, lui et les trieurs photographiés font d’énormes reproductions des photographies choisies avec les matières recyclables ramassées qui sont repris en photos pour être vendues, l’argent recoltée allant directement à l’association des trieurs. Le film fait le portrait de ces êtres incroyables, issus de différents milieux qui pour survivre, passent leurs journées dans les ordures. Certains en sont très fiers, d’autres ne rêvent que de changer de vie. Chaque trieur est magnifique, bouleversant, surprenant. A commencer par le président de l’association, Tiao, jeune homme plein d’espoir et de fierté, d’une force à toutes épreuves, qui grâce à la vente de « son » portrait découvre Londres et l’art moderne.
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Car c’est bien d’art qu’il s’agit. Les deux films nous interroge beaucoup sur la place de l’art dans la société moderne. A quoi sert l’art? Comment partager et faire comprendre une œuvre? La façon dont les protagonistes réagissent à l’art moderne est stupéfiante. Le commentaire d’un jeune homme de Kibera (au Kenya), à priori peu enclin à parler art, sur le travail photographique de JR est étonnant. Et les réactions des gens dans la rue, qui s’immobilisent, hypnotisés par ces portraits noir et blanc au regards si profonds, si réels, l’est tout autant. Dans « Waste Land », une vieille dame qui a passé sa vie dans la décharge explique comment parfois on se sent si petit, quand d’autres (en l’occurence Vic Muniz) peuvent voir la grandeur et la beauté. Deux trieurs parlent des livres qu’ils trouvent et lisent (Machiavel, Nietzsche) et comment ils ont été changés par ces écrits. De même ils sont changés par l’art, une fois qu’ils ont compris. Les paroles de Tiao sont explicites: pour lui l’art moderne, c’était de la merde; à la fin du film, son avis a changé, pas seulement grâce à l’argent gagné, mais aussi par sa compréhension de l’art. Après tout, il est difficile d’aimer ce que l’on ne comprend pas. Tous entrevoient une autre vie, à leur portée, vie qu’ils souhaitent ou pas. L’art transforme réellement la vie de chacun. C’est d’ailleurs un des débats du film: peut-on changer si radicalement la vie des autres? Tout comme Vic Muniz, je pense que oui. Un changement est toujours bénéfique, si tant est qu’on soit assez ouvert pour l’accepter.
La place de l’art est partout, pas seulement dans les musées des pays riches. « Women are heroes » et « Waste Land » en sont la preuve. Car l’art est une manière de dire « j’existe », et aujourd’hui beaucoup ont besoin de le crier à pleins poumons, pour se faire entendre, et vivre.
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